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114 OEUVRES POÉTIQUES DE SHELLEY

ardeur et un enthousiasme sans repos. A mesure qu’il sortait de mes mains, mon ouvrage était pour moi l'objet d'une critique attentive et ardente. J’aurais voulu ne le lancer dans le monde qu’avec cette perfection qu'un long travail et une longue révision, dit-on, peuvent donner. Mais j’ai trouvé que, si avec cette méthode je pouvais gagner quelque chose en exactitude, je m’exposais à faire perdre à mon ouvrage beaucoup de cette fraîcheur et de cette énergie d’images et de langage, telle qu’elle découlait dun premier jet de mon esprit. Mais, si la pure composition n’a pas occupé plus de six mois, il faut dire que les pensées qui y sont réunies ont été lentement amassées pendant de nombreuses années.

J’aime à croire que le lecteur voudra bien distinguer soigneusement les opinions qui offrent un caractère dramatique en rapport avec les personnages qu’ils doivent expliquer de celles qui me sont particulièrement personnelles. Ainsi, par exemple, j’attaque ; l’idée erronée et dégradante que les hommes se sont faite de l'Être suprême, mais non l’Être suprême lui-même. La croyance que quelques personnes superstitieuses que j’ai mises en scène entretiennent de la Divinité, croyance injurieuse à sa bonté, diffère totalement de la mienne. En appelant aussi un grand et radical changement dans l’esprit qui anime les institutions sociales de l’humanité, j’ai évité de flatter ces passions violentes et méchantes de notre nature qui sont toujours aux aguets pour mêler leur alliage impur aux plus bienfaisantes innovations. Il n’y a pas place ici pour la vengeance, l’envie ou le préjugé-. Partout l'amour y est célébré comme la seule loi qui doive gouverner le monde moral.

Dans la conduite personnelle de mon héros et de mon héroïne, il y a une circonstance destinée à réveiller le lecteur de l’extase de la vie ordinaire. Je me suis proposé de briser la croûte de ces opinions usées d’où dépendent les institutions établies. J’ai donc fait appel au plus universel de tous les sentiments, el j’ai essayé de fortifier le sens moral en l’empêchant de consumer ses énergies en cherchant à éviter des actions qui ne sont que des crimes de