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LAON ET CYTHNA 201

XXXVI

Alors la foule silencieuse l'accompagna à la demeure qui lui était assignée pour son repos ; et là, pour adoucir son esprit envenimé, on l’entoura de tout ce qui pouvait lui rappeler son ancien état. Et, si son cœur avait pu être innocent, comme le cœur de ceux qui lui pardonnaient, il aurait pu achever ses jours en paix ; mais ses lèvres tendues se contractèrent, dit-on, en un sourire qui présageait la trahison ; à cette vue l’enfant ressentit une impression mêlée d'espérance et de crainte.

XXXVII

Il était minuit, la veille de ce grand jour où les nombreuses nations, à la voix desquelles les chaînes de la terre fondaient comme le brouillard, avaient décrété de célébrer une fête sacrée, une cérémonie qui devait attester légalité de tout ce qui vit. Tous se retirèrent dans leurs demeures pour rêver ou veiller. Le silence ; sans sommeil rappela Laone à mes pensées, avec des espérances qui font reculer le courant où elles cher- chent à étancher leur soif.

XXXVIII

L’aube flottait, et à ses fontaines de pourpre je buvais ces espérances qui font languir l’esprit, lorsque j’arrivai tout pâle à la plaine qui s’étend entre les montagnes brumeuses et la grande cité. C’était un spectacle capable de faire couler des yeux des hommes des larmes de triomphe, quand pour la première fois le voile redoublant qui cachait le pouvoir humain était déchiré, de voir la Terre vomir partout de ses entrailles les essaims de ses fils pOur un destin fraternel ;...