Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/264

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258 ŒUVRES POÉTIQUES DE SHELLEY

sont les miroirs de la même ! Mais le noir démon qui, de sa plume de fer trempée dans le brûlant poison du mépris, y a immortalisé sa gloire, passerait inoffensif sur la tête des hommes, s’ils dédaignaient de faire de leurs cœurs son repaire.

XXI

« Oui, c’est la Haine ! cette chose diabolique et informe, qui porte tant de noms, tous mauvais, quelques- uns divins, que le mépris de soi-même arme dun mortel aiguillon ; et, lorsque le cœur qu’elles enlace de ses replis de serpent est tout à fait épuisé, et qu'elle se lasse de dévorer une proie si amère, elle tourne cet aiguillon de tous côtés avec une rage multipliée ; semblable au serpent amphisbène, qui, après avoir étreint quelque bel oiseau, bientôt sur sa masse putride menace tout ce qui l’environne.

XXII

« Ne gourmande point ton âme ; mais connais-toi toi- même ; ne hais point le crime d’un autre, ni ne déteste le tien. C’est la sombre idolâtrie de soi-même qui veut, quand une fois nos pensées et nos actions ne sont plus, que l’homme pleure, et saigne, et gémisse. O vide expiation !... Reste en paix ; le passé appartient à la Mort, l’avenir est à toi ; l'amour et la joie peuvent faire du cœur le plus immonde un paradis de fleurs, où la paix pourrait bâtir son nid.

XXIII

« Parle, toi ! D'où venez-vous ? — Un jeune homme prit la parole : — Péniblement, péniblement nous naviguons