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LAON ET CYTHNA 285

de pustules livides ; enfants, jeunes gens, vieillards se tordaient dans de sauvages tortures.

XXII

Bientôt ce ne fut plus lu soif, mais la folie ! Beaucoup voyaient partout leur maigre image ; un spectre d’eux- mêmes plus terrible encore se tenait à côté d’eux, jusqu’à ce que l’épouvante de cette affreuse vision forçât à se détruire elles-mêmes ces victimes éperdues. Quelques-uns, avant que la vie s’envolât, cherchaient, dans une horrible sympathie, à répandre la contagion sur ceux qu’elle n’avait pas atteints ; d’autres arrachaient l<»ur chevelure emmêlée, et criaient bien haut : « Nous marchons sur du feu ! Dieu tout-puissant (l) a versé son enfer sur la terre ! »

XXIII

Quelquefois les vivants étaient cachés sous les morts. Près de la grande fontaine sur la place publique, où les cadavres formaient une pyramide s’effritant sous le soleil, on entendait une prière étouffée implorant la vie, dans le silence brûlant de l’air ; et il était étrange de voir au milieu de ce hideux monceau des figures enveloppées dans le linceul de leur longue chevelure d’or, comme si elles n’étaient pas mortes, mais doucement assoupies, semblables à des formes sculptées, aimer jusque dans l’agonie.

XXIV

La Famine avait épargné le palais du Roi ; ils s’étourdissaient dans des fêtes continuelles, lui, ses gardes et (1) Variante de la Récolte de l'Islam : « le Pouvoir vengeur. »