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REINE MAB 27

orgie sans joie, pour sauver de la faim tous ceux qu’ils aiment ! Quand il entend le récit de ces horreurs, il se tourne vers quelque face toute prête à l’hypocrite assen- timent, étouffant la lueur de honte, qui, en dépit de lui, colore sa joue bouffie !

« Puis au festin de silence, de grandeur et d’excès, il traîne son appétit émoussé et rechignant. Si l’or qui brille autour de lui, si les nombreuses viandes choisies sous tous les climats pouvaient forcer le sens dégoûté à triompher de la satiété ; si la richesse n’empoisonnait pas la source où il puise ; si le vice, le vice insensible et forcené, ne convertissait pas ses aliments en un mortel poison ; alors ce roi serait heureux ; et le paysan qui, après avoir rempli sa tâche volontaire , retourne chez lui le soir, et près du fagot flambant retrouve sa sou- riante compagne pour qui il a essuyé toute celte fatigue, ne ferait pas un repas plus doux.

« Regarde-le maintenant, étendu sur sa somptueuse couche ; sa cervelle enfiévrée vacille quelque temps étourdie. Mais bientôt l’engourdissement de la débauche tombe, et la conscience, cet immortel serpent, appelle sa venimeuse couvée à sa tache nocturne... Ecoute ! il parle !... Remarque cet œil frénétique !.. Remarque ce visage funèbre. »

LE ROI

« Pas de repos ! Oh ! cela doit-il donc durer toujours ! Horrible mort ! Je désire et cependant je crains de t’étreindre !... Pas un moment de sommeil sans cauche- mar ! chère et sainte paix ! Pourquoi ensevelis-tu ta pureté de vestale dans le linceul de la misère et des cachots ? Pourquoi te caches-tu avec le danger, la mort