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JULIEN ET MADDALO 391

sa mémoire et me raconta, telle qu’elle lavait entendue, cette lugubre histoire : « la santé de ce pauvre malheu- reux avait commencé à faiblir deux ans après mon départ ; alors, la dame qui lavait laissé revint. Elle avait eu l’air impérieux ; mais maintenant ses regards s’étaient adoucis ; peut-être le remords l’avait abattue. A son arrivée il se trouva mieux ; et ils restèrent ensemble chez mon père (je jouais, il m’en souvient, avec le châle de la dame ; je pouvais avoir six ans) ; Mais enfin, elle le laissa. »

— « Quoi ! son cœur a pu être si dur ! Comment cela finit-il ? »

— « N’était-ce pas assez ? Ils se rencontrèrent, ils se séparèrent. »

— « Enfant, est-ce tout ? »

— « Dans cet intervalle, on sut à peu près par la presse comment ils s'étaient rencontrés et pourquoi ils s’étaient séparés. Mais si tes yeux vieillis ne veulent pas mouiller ces joues ridées des larmes que fait couler le souvenir de la jeunesse, ne m’en demande pas davantage ; laissons les années silencieuses se fermer et se sceller sur leur mémoire, comme le marbre muet où gisent leurs cadavres. »

Je la pressai et la questionnai encore. Elle me dit comment tout était arrivé... Mais le monde froid ne le saura pas.