Page:Shelley - Œuvres poétiques complètes, t1, 1885, trad. Rabbe.djvu/400

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chercher loin du bruit et du jour quelque caverne occidentale, où les bois et les courants tissent avec les douces et calmes brises un berçant murmure ?

Non, Ianthe ne dort pas le sommeil sans rêve de la mort ; et dans sa chambre éclairée par la lune, Henri n’écoute pas en silence palpiter son pouls régulier, ne regarde pas se succéder sur sa joue délicate les reflets nuancés de la large lune, n’endure pas les fatigues d’une nuit de veille, sans une récompense assurée…

Écoutez ! D’où vient ce son retentissant ? Il est comme le concert prodigieux qui se fait entendre autour d’une ruine solitaire, quand les vents d’est soupirent et que les vagues du soir répondent en chuchotements du rivage ; il est plus étrange que les notes sans mesure que des lyres invisibles des vallées et des bocages tirent les génies des brises. Flottant sur des vagues de musique et de lumière, le char du Démon du Monde descend dans son silencieux pouvoir ; sa forme repose à l’intérieur, légère comme un nuage qui ne retient que la plus pâle teinte du jour quand le soir cède à la nuit, brillante comme cette trame fibreuse, quand les étoiles revêtent leur robe éphémère. Quatre ombres sans forme, brillantes et belles, tirent cet étrange char de gloire ; des rênes de lumière répriment leur célérité qui n’est pas de la terre ; elles s’arrêtent et replient leurs ailes d’air tressé ; le Démon se penchant sur son char éthéré regardait la vierge assoupie. Œil humain n’a jamais vu forme aussi fantastique, aussi brillante, aussi belle que celle qui, sur le sommeil enchanté de la vierge agitant une baguette étoilée, était suspendue comme une buée de lumière. Puis des sons, comme la respiration des brises odorantes au réveil du printemps, s’élevèrent tout autour, remplissant la chambre cl le ciel éclairé par la lune.

« Vierge, l’esprit le plus sublime du monde sous l’ombre de ses ailes enveloppe tout ce que la mémoire doit conserver de la ruine des plus divines choses, sentiments qui te leurrent pour te trahir, et lueurs de pensées qui s’évanouissent.