Page:Sheridan - L Ecole de la medisance (Cler).djvu/126

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Joseph. — Maintenant, ma chère lady Teazle, si vous consentiez rien qu’une fois à faire un tout petit faux pas[1], vous ne pouvez imaginer à quel point vous deviendriez circonspecte, d’humeur facile et charmante avec votre mari.

Lady Teazle. — Parlez-vous sincèrement ?

Joseph. — Oh ! je vous le garantis ; et vous verriez alors toutes les médisances tomber à la fois ; car, en somme, votre réputation ressemble actuellement à une personne affligée de pléthore : c’est l’excès de santé qui la tue, tout bonnement.

Lady Teazle. — Bien, bien ; alors, si je saisis bien votre ordonnance, il faut que je succombe pour me défendre, et que je me débarrasse de ma vertu pour préserver ma réputation ?

Joseph. — Parfaitement, madame, je vous l’affirme.

Lady Teazle. — Eh bien, voilà certainement la doctrine la plus originale et la recette la plus neuve contre la calomnie !

Joseph. — Et une infaillible, croyez-moi. La sagesse, comme l’expérience, doit s’acheter.

Lady Teazle. — Eh bien, si ma raison venait une fois à se convaincre…

Joseph. — Oh ! certainement, madame, elle y viendra… Oui, oui… Le ciel me garde de vous persuader de faire une chose que vous estimeriez coupable… Non, non, j’ai trop d’honneur pour le souhaiter.

Lady Teazle. — Ne pensez-vous pas que nous

  1. En français dans le texte.