Page:Sheridan - L Ecole de la medisance (Cler).djvu/143

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Sir Peter. — Parbleu, madame, je n’ai pas de peine à vous croire !

Joseph, bas à Lady Teazle. — Au nom du ciel, madame, voudriez-vous me trahir ?

Lady Teazle. — Cher monsieur Lovelace, avec votre permission, je ne parlerai que pour moi.

Sir Peter. — Oui, monsieur, laissez-la faire ; vous verrez qu’elle va nous servir une histoire qui vaudra bien la vôtre, sans que vous ayez à la souffler.

Lady Teazle. — Entendez-moi, sir Peter !… Je ne suis pas du tout venue ici au sujet de votre pupille, et j’ignorais même les vues de monsieur sur elle. Je n’y suis venue qu’entraînée par son insidieuse rhétorique, tout au moins pour entendre l’aveu de sa prétendue passion, sinon pour sacrifier votre honneur à son infamie.

Sir Peter. — Maintenant, allons, je crois que nous approchons de la vérité.

Joseph. — Cette femme est folle !

Lady Teazle. — Non, monsieur : elle est revenue à la raison, et grâce à vos fourberies même… Sir Peter, je ne puis espérer que vous me croyiez… mais la tendre sollicitude que vous avez manifestée pour moi, alors que vous ne pouviez certainement soupçonner ma présence, m’a été tellement au cœur que, si j’eusse pu sortir et éviter la honte de me voir tirer de ma cachette, ma conduite à l’avenir vous eût garanti la sincérité de ma reconnaissance. (Elle passe.) Quant à cet hypocrite au mielleux langage, qui voulait séduire la femme de son trop crédule ami, tout en feignant de porter d’hon-