Page:Sheridan - L Ecole de la medisance (Cler).djvu/33

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Snake. — L’affaire marche aussi bien que vous pouvez le désirer, Madame. Selon toute probabilité, je pense, elle arrivera aux oreilles de Mrs Clackitt[1] d’ici à vingt-quatre heures, et alors, vous le savez, on peut regarder la besogne comme faite.

Lady Sneerwell. — Oui, c’est vrai, Mrs Clackitt a un très-joli talent et beaucoup d’adresse.

Snake. — En effet. Madame, et elle a eu assez de succès dans son temps. À ma connaissance, elle a fait rompre six mariages et déshériter trois fils ; elle a causé quatre enlèvements, autant d’accouchements secrets, neuf séparations de biens, et deux divorces. Bien mieux, je l’ai trouvée plus d’une fois en train d’amener un tête-à-tête, dans le Town and Country Magazine[2], entre deux personnes qui, auparavant peut-être, ne s’étaient jamais vues de leur vie.

Lady Sneerwell. — Elle a certainement des qualités, mais ses procédés sont communs.

Snake. — C’est très-vrai. Son plan est généralement bien tracé, elle a la langue libre et l’invention audacieuse ; mais son coloris est trop sombre, et ses esquisses souvent extravagantes. Il lui manque cette délicatesse de teinte et ce moelleux de raillerie, qui distinguent la médisance de milady.

  1. Madame Caquet.
  2. La Revue de Londres et de la province. — On sait qu’en Angleterre, un grand nombre d’affaires privées (rendez-vous de commerce, d’amour, etc.) se font au moyen d’avis ou d’annonces insérés dans les journaux les plus répandus.