Page:Sicard - Le Laurier Noir, 1917.djvu/46

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La trace des obus sillonne le charnier ;
La rose de Lorraine et le jeune laurier
Ne couvrent point encore l’immensité des plaines ;
L’arbre de la pitié — tragique souveraine —
Emplit seul le silence entouré de cailloux.
Je marche… les corbeaux me suivent… les hiboux
Hulluleront ce soir. Triste sollicitude !
Je cherche la victoire et l’âpre solitude
N’accorde que l’ivraie au soc du laboureur.
Vous qui dormez, répondez-moi ! Les fossoyeurs
Ont-ils, sur votre corps, entassé trop d’argile ?
J’ai couru les forêts, j’ai traversé les villes
Pour entendre les cris de votre liberté.
Héros de la patrie, une sérénité
Est-elle contenue en ce vaste silence ?
Je voudrais, me penchant sur ce lambeau de France,
Écouter vos transports, soldats de mon pays !
Je voudrais que vos yeux dans mes yeux éblouis
Reconnaissent l’ardeur que vous avez pressée ;
Je voudrais réchauffer vos chères mains glacées
Et, greffant votre sang sur le soleil de Dieu,
Changer en manteau d’or votre uniforme bleu !
Espoir muet, désert sans fin, plainte inutile !
Ma détresse est liée à mes appels stériles.
Moissonneur de la vie, où retrouver le blé ?
Gerbeviller détruit, Clezentaine brûlé,
Est-ce tout le bouquet que la guerre m’apporte ?