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LES STOÏQUES.


Mais lequel d’entre eux tous eût élevé la voix
Devant le patriarche, absolu sous la tente
Plus qu’en leurs grands palais ne le sont tous les rois ?

Chacun donc, haletant dans l’horreur de l’attente,
Le regardait d’en bas gravir l’âpre sommet,
Formidable, tout blanc sous la nue éclatante ;

Et suivi pas à pas par le fils qu’il aimait
Comme le vieux lion par la jeune gazelle,
La torche dans les airs crépitait & fumait.

« Élohim, ô vengeur ! pour preuve de mon zèle,
Que te faut-il de plus que mon sang & ma chair ?
Ta main broie en passant le coupable sous elle,

C’est la hache affilée à l’aveuglant éclair.
Au moins laisseras-tu s’en aller ton esclave
S’il se rachète au prix de son bien le plus cher ?

Il n’est honte ou péché que le sang pur ne lave.
L’holocauste d’Abel est d’un cœur innocent ;
Autre est le mien, la faute étant autrement grave. »