Page:Sienkiewicz - Quo vadis, 1983.djvu/143

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

il obéit et sortit. Des Carines au cirque, où était située la petite boutique d’Euricius, il n’y avait pas très loin, et il fut de retour bien avant le soir.

— Voici les insignes, seigneur, — dit-il. — Autrement, nous n’aurions pu passer. Je me suis renseigné exactement auprès d’Euricius sur le chemin à suivre et je lui ai dit en même temps que les insignes m’étaient nécessaires pour des amis, ne devant pas y aller moi-même, attendu que le trajet est trop long pour un vieillard comme moi et que je verrai demain le grand Apôtre, lequel me répétera les meilleurs passages de son sermon.

— Comment, tu ne viendras pas ? Il te faut y venir, — fit Vinicius.

— Je sais bien qu’il le faut, mais j’irai déguisé, ce que je vous conseille également de faire, sinon, nous risquerions de laisser s’envoler les oiseaux.

Ils firent leurs préparatifs, car la nuit approchait. Ils s’enveloppèrent de manteaux gaulois à capuchons et se munirent de lanternes ; Vinicius s’arma lui-même et arma ses compagnons de couteaux courts, aux lames recourbées ; Chilon s’affubla d’une perruque, qu’il s’était procurée en revenant de chez Euricius. Et ils sortirent, pressant le pas, afin d’arriver à la Porte Nomentane avant qu’elle fût fermée.


Chapitre XX.

Ils prirent par le Vicus Patricius, en longeant le Viminal, jusqu’à l’ancienne porte Viminale ouvrant sur l’espace où plus tard Dioclétien fit bâtir des bains luxueux. Ils dépassèrent les ruines de la muraille de Servius Tullius et arrivèrent, par des voies plus désertes encore, jusqu’à la route Nomentane. Puis, après avoir tourné à gauche vers Salaria, ils se trouvèrent au milieu de collines trouées de carrières de sable et parsemées de cimetières. La nuit s’était épaissie, et la lune n’étant pas encore levée, ils eussent difficilement trouvé leur chemin si, suivant les prévisions de Chilon, les chrétiens ne le leur eussent montré. À droite, à gauche, en avant, on distinguait des silhouettes noires qui se glissaient vers les ravins sablonneux. Quelques-uns de ces piétons portaient des lanternes qu’ils cherchaient à dissimuler sous leurs manteaux. D’autres, plus familiarisés avec la route, s’avançaient dans l’obscurité. Son œil de soldat, accoutumé aux ténèbres permettait à Vinicius de distinguer, d’après leurs gestes, les jeunes gens des vieillards qui s’appuyaient sur des bâ-