Page:Sienkiewicz - Quo vadis, 1983.djvu/152

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eux y étaient retournés et avaient trouvé le tombeau vide. Puis, vers le soir, Cléophas était venu, de retour d’Emmaüs, où il était allé avec un autre et d’où ils étaient revenus en toute hâte en disant : « C’est vrai que le Seigneur est ressuscité ! » Et tous s’étaient mis à se quereller, après avoir fermé la porte, par crainte des Juifs. Alors, et quoique la porte n’eût pas grincé, il s’était dressé parmi eux, et comme ils avaient peur, Il leur avait dit : « Que la paix soit avec vous ! »

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— Et je l’ai vu, Lui, comme tous l’ont vu. Il était rayonnant de lumière, et nos cœurs s’emplirent de félicité, car nous crûmes qu’il était ressuscité, que les mers allaient se dessécher, les montagnes tomber en poussière, et que sa gloire serait éternelle.

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— Huit jours plus tard, Thomas Didyme mit ses doigts dans les plaies du Maître, toucha son côté et tomba ensuite à ses pieds en s’écriant : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » Et Jésus lui répondit : « Parce que tu as vu, Thomas, tu as cru. Bienheureux ceux qui n’ont pas vu et qui ont cru. » Et nous avons entendu ces paroles et nos yeux L’ont regardé, car Il était parmi nous.

Vinicius écoutait et quelque chose d’étrange se passait en lui. Il oubliait où il était, commençait à perdre la notion de la réalité, de la mesure, et la faculté de raisonner. Il se trouvait en présence de deux extrêmes : il ne pouvait croire à ce qu’avait dit le vieillard, et pourtant il sentait qu’il fallait être aveugle ou renier sa propre raison pour penser que cet homme mentait en disant : « J’ai vu ! » Dans son émotion, dans ses larmes, dans tout son extérieur, et dans les détails des événements qu’il racontait, il y avait quelque chose qui éloignait tout soupçon. Par instants, Vinicius croyait rêver ; mais il voyait autour de lui la foule abîmée dans le silence ; l’odeur des lanternes fumeuses lui montait aux narines ; un peu plus loin, des torches brûlaient et, près du bûcher, debout sur une pierre, se tenait un homme âgé, au seuil de la mort, le chef branlant, qui témoignait et qui disait : « J’ai vu ! »

Et celui-ci reprit son récit, contant tout, jusqu’à l’Ascension. Par moments, il s’arrêtait pour respirer, car il s’appesantissait sur tous les détails ; on sentait que chacun de ces détails était gravé dans sa mémoire comme sur une pierre. Ses auditeurs s’enivraient de ses paroles et tous ôtèrent leurs capuchons pour mieux entendre, ne pas perdre un seul de ces mots plus précieux pour eux que toutes choses ; il leur semblait qu’une force surhumaine les transportait en Galilée, qu’ils escortaient les disciples à travers les bois de cette contrée, le long des cours d’eau, que le cimetière où ils se trouvaient devenait le lac de Tibériade et que, sur