Page:Sienkiewicz - Quo vadis, 1983.djvu/265

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courrier de César. Je n’aurais pu vivre plus longtemps sans toi. Je t’aime tant, ma chérie, ma très adorée !

— Je savais que tu viendrais. J’ai envoyé deux fois Ursus aux Carines pour savoir de tes nouvelles. Linus s’est moqué de moi et Ursus aussi.

On pouvait en effet constater qu’elle l’attendait, à ce que, au lieu du vêtement sombre qu’elle portait d’habitude, elle avait mis une stole blanche d’étoffe fine, d’où émergeaient ses épaules ainsi que des primevères de la neige. Quelques anémones roses ornaient ses cheveux.

Vinicius prit la main de la jeune fille et la pressa contre ses lèvres ; ils s’assirent sur un banc de pierre au milieu des aubépines et contemplèrent en silence les derniers rayons du soleil couchant qui se reflétaient dans leurs yeux.

Et peu à peu, ils furent envahis eux aussi par la paix du soir.

— Quel calme et que le monde est beau ! — murmura Vinicius à mi-voix. — Comme la nuit descend douce et magnifique ! Je me sens heureux comme jamais je ne le fus de ma vie ! Dis-moi, Lygie, d’où cela te vient-il ? Jamais je n’aurais cru qu’il pût exister un pareil amour. Où je ne voyais que du feu dans les veines et une passion furieuse, je comprends maintenant qu’on peut aimer avec chaque goutte de son sang, avec chaque souffle, et sentir en même temps un calme immense et doux, comme si l’âme était bercée à la fois par le Sommeil et par la Mort. C’est tout nouveau pour moi. Je regarde ces arbres immobiles, et il me semble que leur calme est descendu en moi. Aujourd’hui seulement je comprends qu’il peut exister un bonheur insoupçonné ; aujourd’hui je comprends pourquoi toi et Pomponia Græcina paraissez si sereines… Oui !… ce bonheur, c’est le Christ qui vous le donne.

Elle lui posa sa tête merveilleuse sur l’épaule :

— Mon Marcus bien-aimé…

Elle ne put en dire davantage. La joie, la reconnaissance, la pensée qu’elle avait maintenant le droit de l’aimer, avaient éteint sa voix et rempli ses yeux de larmes. Vinicius, entourant sa taille svelte, la serra contre lui :

— Lygie, béni soit l’instant où, pour la première fois, j’ai entendu Son nom !

Elle répondit à voix basse :

— Je t’aime, Marcus !

Puis ils gardèrent un instant le silence, trop émus pour parler. Les derniers reflets violacés s’éteignirent sur les cyprès ; le croissant de la lune apparut et argenta les arbres.

Enfin, Vinicius se remit à parler :

— Je sais… À peine étais-je entré, à peine avais-je baisé tes mains