Page:Sienkiewicz - Quo vadis, 1983.djvu/306

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promis sa venue ; et bientôt vous le verrez ! Mais ce ne sera plus l’Agneau qui verse son sang pour le rachat de vos péchés. Ce sera un juge implacable qui, dans sa justice, jettera dans l’abîme les pécheurs et les infidèles… Malheur au monde et malheur aux pécheurs ! Car il n’y a plus pour eux de miséricorde… Christ ! je te vois… Des étoiles pleuvent, le soleil s’assombrit, la terre s’ouvre en précipice et les morts se lèvent. Et Toi, Tu avances au son des trompes, parmi les légions de tes anges, dans le tonnerre et dans l’ouragan ! Christ ! je te vois ! je t’entends !

Il se tut et, la tête levée, parut s’absorber dans la contemplation aiguë de quelque chose de lointain et de terrifiant. Soudain, dans la caverne, gronda une détonation sourde, bientôt suivie d’une seconde… d’une dixième… Dans la ville en flammes, des rues entières de maisons calcinées s’effondraient. Il sembla à la plupart des chrétiens que ces détonations étaient le signe définitif de l’effroyable jugement, car la croyance en la seconde venue du Christ s’était déjà répandue parmi eux et s’y enracinait davantage depuis cet incendie. Alors, la terreur divine s’empara de l’assemblée et des voix nombreuses répétèrent : « Le jour du jugement ! en vérité, le voici ! » Les uns se couvraient le visage de leurs mains, convaincus que la terre allait trembler sur ses fondements, et que de ses gouffres béants des bêtes infernales allaient fondre sur les pécheurs. D’autres clamaient : « Christ, pitié ! Rédempteur, sois miséricordieux ! » Certains confessaient tout haut leurs péchés. D’autres se jetaient dans les bras de leurs proches, afin de sentir au terrible moment un cœur ami battre sur leur poitrine.

Mais il était aussi des visages qui reflétaient une béatitude céleste, et sans aucune frayeur. Des gens en extase criaient, en des langages inconnus, des paroles incompréhensibles. D’un coin obscur de la caverne, quelqu’un s’exclama : « Que celui qui dort se réveille ! » Puis de nouveau, dominant tout, la voix de Crispus se remit à clamer : « Veillez, veillez ! »

Par moments, tout se replongeait dans le silence, comme si tous, retenant leur respiration, attendaient quelque chose. Alors grondait le bruit lointain des maisons qui croulaient, et aussitôt retentissaient de nouveau les gémissements, les prières, les exclamations : « Rédempteur, aie pitié ! » Parfois, Crispus dominait tous les bruits et vociférait :

— Renoncez aux biens de la terre, car la terre s’ouvrira sous vos pieds ! Renoncez aux amours terrestres, car le Seigneur fera périr ceux qui, — plus qu’ils ne l’aimèrent, Lui, — auront aimé leurs femmes et leurs enfants ! Malheur à celui qui aura préféré la créature au Créateur ! Malheur aux puissants ! Malheur aux repus !