Page:Sienkiewicz - Quo vadis, 1983.djvu/375

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reculer, tenant le glaive en ligne et baissant la tête pour observer attentivement son adversaire à travers les ouvertures de la visière, tandis que Calendio, souple, sculptural et complètement nu, à l’exception d’un pagne, évoluait autour de son massif adversaire, agitait son filet avec grâce, levait ou abaissait son trident et chantait la chanson habituelle des rétiaires :

Non te peto, piscem peto ; Quid me fugis, Galle ?

Mais le Gaulois ne fuyait pas ; il s’arrêta et se mit à évoluer sur place, de façon toutefois à avoir toujours l’ennemi devant lui. Son corps et sa tête monstrueuse avaient à présent quelque chose de terrible. Les assistants comprenaient que cette lourde masse bardée d’airain se préparait à une attaque foudroyante et décisive.

Cependant le rétiaire se rapprochait ou s’écartait de lui par bonds soudains, faisant voleter son trident en mouvements si agiles qu’on avait peine à les suivre du regard. Plusieurs fois le bouclier résonna sous les dents de la fourche, mais le Gaulois ne broncha pas, témoignant ainsi de sa force inébranlable. Toute son attention semblait concentrée non point sur le trident, mais sur le filet, qui tournoyait au-dessus de sa tête comme un oiseau de mauvais augure. Retenant son souffle, l’assistance suivait l’admirable jeu des gladiateurs. Lanius choisit enfin le moment propice et fondit sur l’adversaire, qui esquiva avec une rapidité inouïe le glaive et le bras menaçants, et, se redressant, lança le filet. Le Gaulois fit volte-face, l’arrêta du bouclier, et tous deux se rejetèrent en arrière. L’amphithéâtre vociféra : Macte ! On engagea de nouveaux paris. César lui-même, qui causait avec la vestale Rubria et ne prêtait que peu d’attention au spectacle, tourna la tête vers l’arène.

Les gladiateurs se remirent à combattre, avec tant d’habileté et de précision dans les gestes que, par instants, il semblait que ce ne fût point là pour eux une question de vie ou de mort, mais une occasion de montrer leur adresse. Lanius, ayant deux fois encore esquivé le filet, se mit de nouveau à reculer vers le pourtour de l’arène. Alors, ceux qui avaient parié contre lui, ne voulant point qu’il se reposât, lui crièrent : « Attaque ! » Le Gaulois obéit et attaqua. Soudain, le bras du rétiaire fut inondé de sang et son filet retomba. Lanius, ramassé sur ses jarrets, bondit pour porter le coup final. Au même instant, Calendio, qui avait feint de ne plus pouvoir guider son filet, se pencha de côté, esquiva la pointe, glissa son trident entre les genoux de son adversaire