Page:Sienkiewicz - Quo vadis, 1983.djvu/389

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Ce disant, il leva les yeux vers l’ouverture de l’amphithéâtre où déjà la nuit commençait de tendre son velarium semé d’étoiles. Mais les autres lui répondirent par des rires et des hypothèses facétieuses sur ce que les chrétiens pouvaient bien voir à l’heure de la mort. Cependant, César fit un signe aux esclaves qui portaient les torches et quitta le cirque, suivi des vestales, des sénateurs, des dignitaires et des augustans.

La nuit était lumineuse et tiède. Devant le cirque stationnait encore une foule curieuse d’assister au départ de Néron, mais qui paraissait muette et sombre. Des applaudissements s’élevèrent, brusquement éteints.

Du spoliaire sortaient toujours des chariots grinçants chargés des restes ensanglantés des chrétiens.

Pétrone et Vinicius firent le trajet en silence. À proximité de la villa, Pétrone demanda :

— As-tu réfléchi à ce que je t’ai dit ?

— Oui, — répondit Vinicius.

— Comprends-tu que c’est maintenant, pour moi aussi, une chose de la plus haute importance ? Il faut que je la délivre, malgré César et Tigellin. C’est comme une lutte où je m’obstine à vaincre. C’est comme un jeu où je veux gagner, fût-ce au prix de ma propre vie… Cette journée n’a fait que raffermir mes intentions.

— Le Christ te le rendra !

— Tu verras.

Tandis qu’ils devisaient ainsi, la litière s’arrêta devant la villa ; ils descendirent. Aussitôt s’approcha d’eux une sombre silhouette qui demanda :

— Est-ce toi, noble Vinicius ?

— Oui, — répondit le tribun, — que me veux-tu ?

— Je suis Nazaire, le fils de Myriam. Je viens de la prison et je t’apporte des nouvelles de Lygie.

Vinicius s’appuya sur son épaule et se mit à le regarder dans les yeux, à la lueur des torches, sans pouvoir prononcer un mot. Mais Nazaire devina la question qui mourait sur ses lèvres.

— Elle vit. Ursus m’envoie auprès de toi, seigneur, pour te dire que, dans sa fièvre, elle prie le Seigneur, et répète ton nom.

— Gloire au Christ ! — s’écria Vinicius. — Il a le pouvoir de me la rendre.

Et il conduisit Nazaire dans la bibliothèque, où Pétrone les rejoignit bientôt pour entendre ce qu’ils se diraient.

— La maladie l’a sauvée de l’outrage, — disait le jeune homme, — car les bourreaux ont peur. Ursus et le médecin Glaucos veillent jour et nuit près d’elle.