Page:Sienkiewicz - Quo vadis, 1983.djvu/67

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Sortir, oui ! Personne n’empêcherait leur départ. Mais s’enfuir de la maison de César était chose défendue, tenue pour crime de lèse-majesté. Ils s’en iraient ; et, dès le soir, un centurion escorté de ses soldats apporterait la sentence de mort à Aulus, à Pomponia Græcina, et ramènerait Lygie au palais. Alors, plus rien ne la sauverait. Si les Aulus la recevaient, leur mort était certaine.

Lygie en fut au désespoir : aucune issue. Il lui fallait choisir entre la perte des Plautius et la sienne. En allant au festin, elle avait eu l’espoir que Pétrone et Vinicius intercéderaient pour elle et la rendraient à Pomponia. À présent, elle savait que c’était eux-mêmes qui avaient persuadé César de la reprendre aux Aulus. Aucune issue. Un miracle pouvait seul la tirer de cet abîme, un miracle et la toute-puissance divine.

— Acté, — gémit-elle avec désespoir, — as-tu entendu ce qu’a dit Vinicius, que César m’a donnée à lui et que ce soir il m’enverra chercher par ses esclaves pour me prendre dans sa maison ?

— J’ai entendu, — fit Acté.

Elle écarta ses bras en signe d’impuissance et demeura silencieuse. Le désespoir qui étreignait la voix de Lygie n’éveillait pas d’écho dans son cœur. Elle-même n’avait-elle pas été la maîtresse de Néron ? Bien que foncièrement bonne, elle n’en était pas moins incapable de sentir la honte d’une telle liaison. Naguère esclave, elle ne pouvait se défaire de la coutume d’esclavage. Et puis, elle aimait toujours Néron. Qu’il daignât revenir à elle, et elle tendrait les bras vers ce bonheur. Elle voyait bien maintenant que Lygie devait devenir la maîtresse de ce jeune et beau Vinicius, ou bien se vouer elle-même, avec la famille qui l’avait élevée, à une perte certaine. Acté ne pouvait donc comprendre les hésitations de la jeune fille.

— Dans la maison de César, — dit-elle, — tu ne serais pas plus en sûreté que dans celle de Vinicius.

Elle ne songeait nullement qu’en dépit de leur exactitude, ses paroles voulaient dire : « Résigne-toi à ton sort et sois la concubine de Vinicius ». Mais Lygie, qui sentait encore sur ses lèvres les baisers brûlants et pleins d’un bestial désir, devint pourpre de honte.

— Jamais ! — s’écria-t-elle avec indignation. — Je ne resterai ni ici, ni chez Vinicius, jamais !

Sa surexcitation étonna Acté.

— Tu hais donc tant Vinicius ? — demanda-t-elle.

Mais une nouvelle explosion de sanglots secoua Lygie, qui ne put répondre. Acté l’attira contre sa poitrine et s’efforça de l’apaiser. Ursus haletait lourdement et crispait ses formidables poings :