Page:Sienkiewicz - Quo vadis, 1983.djvu/97

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— Lequel est ton amant ? — demanda-t-il en désignant de la tête les esclaves.

Il n’obtint point de réponse. Eunice inclina son visage jusqu’aux pieds de son maître et demeura immobile.

Pétrone dévisagea les esclaves, dont plusieurs étaient jeunes, beaux et sveltes ; sur les traits d’aucun d’eux il ne put lire le moindre indice : tous avaient un sourire énigmatique. Un instant, il considéra Eunice étendue à ses pieds, puis, silencieux, il se rendit au triclinium.

Après son repas, il se fit porter au palais, puis chez Chrysothémis, où il resta fort tard dans la nuit. En rentrant chez lui, il fit venir Teirésias.

— Eunice a reçu les verges ? — lui demanda-t-il.

— Oui, seigneur. Mais tu avais prescrit de ne pas lui abîmer la peau.

— Est-ce là le seul ordre que je t’ai donné à son sujet ?

— Oui, seigneur, — répondit l’atriensis inquiet.

— C’est bien. Lequel des esclaves est son amant ?

— Aucun, seigneur.

— Que sais-tu sur son compte ?

Teirésias parla d’une voix mal assurée :

— Eunice ne quitte jamais la nuit le cubiculum, où elle dort avec la vieille Acrisione et avec Ifis. Après ton bain, seigneur, elle ne stationne jamais dans les thermes… Ses compagnes se moquent d’elle et lui ont donné le surnom de Diane.

— Assez, — dit Pétrone. — Mon parent Vinicius, à qui j’avais fait présent d’Eunice ce matin, ne l’a point acceptée ; elle restera à la maison. Tu peux t’en aller.

— Me permets-tu encore quelques mots au sujet d’Eunice, seigneur ?

— Je t’ai ordonné de dire ce que tu sais.

— Toute la familia, seigneur, parle de la fuite de cette jeune fille qui devait aller habiter chez le noble Vinicius. Après ton départ, Eunice est venue chez moi et m’a dit connaître un homme qui saurait la retrouver.

— Ah ! — fit Pétrone. — Et qui est cet homme ?

— Je ne le connais point, seigneur ; mais j’ai cru bien faire de t’en parler.

— Bien. Demain, cet homme attendra ici le tribun, que tu iras prier de ma part de venir dans la matinée.

L’atriensis s’inclina et sortit. Pétrone, involontairement, se mit à songer à Eunice. Le désir de la jeune esclave que Lygie fût retrouvée lui parut tout naturel : Elle ne se souciait pas de la remplacer dans la maison du tribun. Il songea ensuite que l’homme en question pouvait être son amant, pensée qui lui fut désagréable.