Page:Sieyès-Qu'est ce que le tiers état-1888.djvu/114

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serait une contradiction manifeste dans la loi ; la nation n’aurait pu s’y soumettre que par un acte de servitude ; et c’est ce qu’on ne peut supposer.

Lorsque nous avons prouvé que le mandataire du pouvoir actif ne pouvait être ni électeur ni éligible pour la représentation législative, nous n’avons pas cessé pour cela de le regarder comme un vrai citoyen. Il l’est, comme tous les autres, par ses droits individuels ; et les fonctions qui le distinguent, bien loin de détruire en lui le civisme sont, au contraire, établies pour en servir les droits. S’il est pourtant nécessaire de suspendre l’exercice de ses droits politiques, que doit-ce être de ceux qui, méprisant les droits communs, s’en sont composés de tels, que la nation y est étrangère, de ces hommes dont l’existence seule est une hostilité continuelle contre le grand corps du peuple ? Certes, ceux-là ont renoncé au caractère de citoyen, et ils doivent être exclus des droits d’électeur et d’éligible plus sûrement encore que vous n’en écarteriez un étranger dont au moins l’intérêt avoué pourrait bien n’être pas opposé au vôtre.

Résumons : il est de principe que tout ce qui sort de la qualité commune de citoyen, ne saurait participer aux droits politiques. La législature d’un peuple ne peut être chargée de pourvoir qu’à l’intérêt général. Mais si, au lieu d’une simple distinction indifférente presque à la loi, il existe des privilégiés ennemis par état de l’ordre commun, ils doivent être positivement exclus. Ils ne peuvent être ni électeurs, ni éligibles tant que dureront leurs odieux privilèges. Je sais que de pareils principes vont paraître extravagants à la plupart des lecteurs. C’est que la vérité doit paraître aussi extravagante aux préjugés, que ceux-ci peuvent l’être pour la vérité. Tout est relatif. Que mes principes soient certains, que mes conséquences soient exactes, il me suffit. Mais, au moins, dira-t-on, ce sont là des choses absolument impraticables pour le temps. Aussi je ne me charge point de les pratiquer. Mon rôle, à moi, est celui de tous les écrivains patriotes ; il consiste à présenter la vérité. D’autres s’en rapprocheront plus ou moins, selon leur force et selon les circonstances, ou bien s’en écarteront par mauvaise foi ; et alors nous souffrirons ce que nous ne pouvons pas empêcher. Si tout le monde pensait vrai, les plus grands changements,