Page:Sieyès-Qu'est ce que le tiers état-1888.djvu/59

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

le tiers état et sembleraient condamner cet ordre à mettre ses destinées entre les mains de ses ennemis. Au reste, il ne faut point séparer cette observation de celle qui suit : l’abolition des privilèges dans le tiers état n’est pas la perte des exemptions dont quelques-uns de ses membres jouissent. Ces exemptions ne sont autre chose que le droit commun. Il a été souverainement injuste d’en priver la généralité du peuple. Ainsi je réclame, non la perte d’un droit, mais sa restitution ; et si l’on m’oppose qu’en rendant communs quelques-uns de ces privilèges, comme par exemple celui de ne point tirer à la milice, on s’interdirait le moyen de remplir un besoin social, je réponds que tout besoin public doit être à la charge de tout le monde, et non d’une classe particulière de citoyens, et qu’il faut être aussi étranger à toute réflexion qu’à toute équité pour ne pas trouver un moyen plus national de compléter et de maintenir tel état militaire qu’on veuille avoir. On paraît quelquefois étonné d’entendre se plaindre d’une triple aristocratie d’église, d’épée et de robe.

On veut que ce ne soit là qu’une manière de parler, mais cette expression doit être prise à la rigueur. Si les états généraux sont l’interprète de la volonté générale et ont, à ce titre, le pouvoir législatif, n’est-il pas certain que là est une véritable aristocratie, où les états généraux ne sont qu’une assemblée clérico-nobili-judicielle ? Ajoutez à cette effrayante vérité, que, d’une manière ou d’autres, toutes les branches du pouvoir exécutif sont tombées aussi dans la caste qui fournit l’église, la robe et l’épée. Une sorte d’esprit de