Page:Sieyès-Qu'est ce que le tiers état-1888.djvu/83

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qui donnerait la mort à toutes les affaires. Si, du moins, on pouvait s’accorder pour remplir le déficit, le reste ne l’intéresserait plus guère ; les ordres se disputeraient tant et aussi longtemps qu’ils le pourraient. Au contraire, moins ils feraient, plus le ministère se sentirait intact dans son ancienne autorité illimitée. De là un moyen de conciliation que l’on commence à colporter partout, et qui serait aussi utile aux privilégiés et au ministère que mortel pour le tiers. On propose de voter par têtes les subsides et tout ce qui regarde l’impôt. L’on veut bien ensuite que les ordres se retirent dans leurs chambres comme dans des forteresses inexpugnables, où les communes délibéreront sans succès, les privilégiés jouiront sans crainte, pendant que le ministre restera le maître. Mais, peut-on croire que le tiers donne dans ce piège ? Le vote des subsides devant être la dernière opération des états généraux, il faudra bien qu’on se soit accordé auparavant sur une forme générale pour toutes les délibérations.

6. On propose d’imiter la constitution anglaise.

Différents intérêts ont eu le temps de se former dans l’ordre de la noblesse. Elle n’est pas loin de se diviser en deux partis. Tout ce qui tient aux trois ou quatre cents familles les plus distinguées soupire après l’établissement d’une chambre haute, à l’exemple de celle d’Angleterre ; leur orgueil se nourrit de l’espérance de n’être plus confondues dans la foule des gentilshommes. Ainsi la haute noblesse consentirait de bon cœur à rejeter dans la Chambre des communes le reste des nobles avec la généralité des citoyens.

Le tiers se gardera, par-dessus tout, d’un système qui ne tendrait à rien moins qu’à remplir sa chambre de gens qui ont un intérêt si contraire à l’intérêt commun, d’un système qui le replacerait dans la nullité et l’oppression. Il existe, à cet égard, une différence réelle entre l’Angleterre et la France. En Angleterre,