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INTRODUCTION


Étienne Dûment raconte que Sieyès, sortant un jour de chez Talleyrand, se trouva d’humeur plus communicative qu’à l’ordinaire et, après avoir parlé de ses études, se laissa aller à dire : « La politique est une science que je crois avoir achevée[1]. » Le mot est assurément présomptueux : il le paraissait à peine à l’époque où il fut prononcé. On accordait sans difficulté à Sieyès autant de génie qu’il s’en croyait. Il était bien, comme le dit Dumont, l’oracle du tiers état. Mirabeau l’appelait son maître. Si plus tard son crédit diminua, si quelques-uns de ses contemporains arrivèrent à penser avec Brissot qu’il était au-dessous de la réputation qu’un pamphlet heureux et un silence adroit lui avaient conquise, en 1789 « tout se réunissait pour le respecter, l’honorer, l’admirer », écrit André Chénier[2].

Personne n’ignore l’influence qu’il eut sur les esprits à la veille et au début de la Révolution. Mais de cette

  1. Souvenirs sur Mirabeau et sur les deux premières assemblées législatives par Etienne Dumont (de Genève), Paris, 1832, in-8, p. 64.
  2. Œuvres en prose d'André Chénier, édit. Becq de Fouquières, Paris 1872, in 12, p. 18.