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Elégie III




O toi, belle lumière en nos sombres prisons !
Toi dont l’œil tour à tour a l’éclat des saisons,
Couleur d’or printanier, couleur de fruits d’automne,
Livide et gracieux comme un été qui tonne
Foudroyant les rameaux d’un orage de fleurs,
Comme un hiver de neige enflé, tout blanc de pleurs !
Par les vivantes eaux roulant au fond du gouffre
A l’immense contact de l’univers qui souffre
Tu rendis tout ton corps sensible, bloc pieux,
Immortel marbre humain où vont vivre les dieux !
L’harmonie à ton nom coule à flot de mes flûtes.
Les torrents ébranlant les déserts de leur chûte
En font gronder l’or pur des clairons assoupis.
Par ces roses en gerbe et ces bouquets d’épis
Je viens te consacrer mes bosquets solitaires.
Ma plaine à pleins sillons roulant le sang des terres
Toi, tendre fleur des ceps, force et saveur du pain !
Je viens te consacrer par ces rameaux de pin
Les monts, pour qu’à jamais sur leurs sommets tu vives
Et la mer avec tous les temples de ses rives.


Rome, Octobre 1896.