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Page:Silvestre - Contes grassouillets, 1883.djvu/193

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Fiançailles.

Jeanne semblait plus exaspérée encore dans son mécontentement. Elle ne desserra pas les dents, tout le long du dîner, même pour manger des ortolans ; car j’oubliais ce savoureux oiseau parmi les beautés des Landes. Le moment du dessert arriva, le moment décisif, et Justin exultait d’avance, croyant à une fonte subite de cette glace. Enfin Jeanne fouilla nerveusement dans sa poche et, en tirant autant de noix qu’en pouvait contenir sa petite main, les jeta sur son assiette, se leva et sortit en sanglotant.

Quelle surprise, mes enfants ! Justin demeura bouche béante sur une dernière bouchée d’ortolan, tandis que les quolibets et les méchants mots pleuvaient d’autant plus dru sur lui qu’il avait fait le faraud davantage. L’imbécile ! Il ne devina pas tout de suite que, pendant qu’il regardait bêtement par la fenêtre, l’ancienne avait changé l’étui choisi par lui et y avait substitué le plus piteux de son assortiment !

Le mal était irréparable, l’injure ayant été publique. Mais le pire de l’affaire, c’est que la chose s’ébruita et que Justin, le beau Justin,