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Contes grassouillets.

avait l’intensité d’une véritable hallucination. J’avais une envie folle de briser la coquille où j’étais enfermé, mais je me consumais en inutiles efforts. Ah ! le métier de poulet est plus dur que vous ne le croyez. J’avais soif de liberté et de soleil et ma mère s’obstinait à m’accabler de l’insupportable chaleur de son croupion, lequel, de vous à moi, ne sentait pas la rose. S’il y a une métempsycose, je ne veux pas de cette carrière qui commence par l’asphyxie et se termine par la broche. Combien de temps durèrent cette vision maladive et mon état de catalepsie ? Je ne pus m’en rendre compte, mais il faisait presque nuit quand j’en sortis en m’étirant brusquement les membres dans le plus douloureux des réveils. Je n’entendais plus de bruit que dans la pièce à côté. Ayant conscience de l’ancien danger, je ne quittai ma retraite qu’avec des précautions infinies, d’autant que, l’édredon s’étant crevé dans les crispations de mon sommeil léthargique, j’étais pris de tous les côtés dans son étoffe déchirée. Mais ce qu’il y avait de pis, c’est que son délicat duvet, répandu de