Page:Silvestre - Contes grassouillets, 1883.djvu/232

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
216
Contes grassouillets.

pas plus détacher qu’une pierre du bloc monstrueux d’une pyramide. Clarisse, la belle mercière, était au plus épais de cette mer vivante et, à quelques pas d’elle, mais impuissant à la rejoindre, Jean Muller, dont la colère s’exaspérait par les résistances qui le séparaient de sa cruelle bien-aimée. Au-dessus de cet océan noir de têtes dodelinantes, la pleine lumière dont la nef était inondée apparaissait, en large nappe, par le porche grand ouvert, comme un horizon incendié par le couchant, quand la tempête a balayé le ciel.

Et Frankel, le mécréant ?

Frankel était entré avec résolution dans cette cohue, et la fortune l’avait précisément intercalé dans la tranche humaine qui éloignait inexorablement Clarisse de Jean, ce qui fait que, très reconnaissable à son nez crochu et à ses épaules décharnées, il était devenu tout de suite, pour l’impatient carabin, l’objet d’une haine aussi violente qu’aveugle. Ne vous est-il jamais arrivé, à vous aussi, de prendre en grippe un passant parce qu’il vous était ainsi involontairement incommode ? Pour moi, j’avoue qu’en