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Contes grassouillets.

le plus longtemps possible et les cartes succédaient, sur les tables, aux plats lentement savourés. Ajouterai-je que plus d’un roman adultère s’esquissait dans l’innocence de ces plaisirs et que de futurs amants y prenaient position, sous le nez des maris, dans le cœur de leurs belles ?

C’est pour cela, sans doute, que le révérend Josué Peterson, clergyman de son état, et possesseur d’une moitié infiniment supérieure à l’autre, se tenait à l’écart de ce monde profane et frivole, ne permettant à celle qui portait son nom d’autre distraction que la lecture de la Bible et les menus ouvrages au crochet. La belle Jenny était-elle absolument ravie de ce régime ? On en aurait pu douter aux soupirs d’ennui qui gonflaient, par instants, sa belle gorge de blonde et aux battements à peine réprimés qui révélaient aux observateurs la blancheur laiteuse de ses dents. Une admirable fille que cette Jenny, appétissante à l’envi, grassouillette et avenante, d’une nature évidemment joviale et peu faite pour les austères idées de son époux. Mais la perfection est,