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Contes grassouillets.

— L’amiral, continua Ventéjoul sans être au courant de cet aparté, me commanda d’aller explorer la côte avec une chaloupe et cinq hommes. Mon camarade Bibolet demanda et obtint la permission de m’accompagner. Sournoisement, nous glissâmes un pâté de veau et deux bouteilles de champagne dans le fond du batelet, et youp ! un cigare aux lèvres et la gaieté de nos vingt ans au cœur, nous quittâmes le lourd bâtiment dont les mâts n’avaient qu’un léger hochement de tête. Deux heures après, nous abordions sur une plage au sable fin que garnissait, comme un fin mouchoir de batiste, une rouge broderie de corail. Tandis que nos hommes débarquaient les provisions, Bibolet et moi, nous prîmes le chemin d’un petit bois qui se présentait le plus gracieusement du monde. Nous n’y avions pas fait vingt pas, sub tegmine fagi, comme dit Virgile, que nous étions traîtreusement appréhendés, bâillonnés, garrottés et emportés par les gaillards les plus vigoureux que j’aie rencontrés de ma vie. La course vertigineuse de ces mécréants ne s’arrêta qu’en atteignant un grand carrefour de