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Contes grassouillets.

race, on sentait mille mensonges aimables dans la sveltesse de sa taille et les colères d’un torrent prêt à rompre ses digues se devinaient dans les chastes contours de son corsage. Ses mains n’étaient pas précisément petites, mais le dessin en était élégant comme une ébauche du Primatice, et le peu qu’on voyait de ses pieds, ridiculement prisonniers dans de fastueuses bottines, donnait la même impression de noblesse dans la ligne. Sa voix avait le charme des musiques sauvages, et son rire la gaieté d’un solo de castagnettes. Edith était son nom.

Sa mère avait dû lui ressembler, mais l’aubépine de ses joues était violemment bariolée de couperose ; d’automnales araignées avaient tendu quelques fils d’argent sur l’or de sa toison, et les révoltes de sa gorge captive n’avaient plus rien de mystérieux. Ses extrémités s’étaient notablement empâtées, et l’art d’accommoder les restes n’eût pas été inutile au prétentieux qui en eût attendu quelque tardif bonheur. Mais elle était demeurée avenante au possible et d’un abandon extrême. On l’appelait Jenny, et ces deux femmes étaient l’orgueil de la maison Ou-