Page:Silvestre - Histoires gaies, 1895.djvu/106

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condamné, en recevant ses coups de matraque sur les talons, n’avait qu’à compter pour savoir ce que son acquittement lui aurait coûté de plus que ce qu’il avait donné. On aurait appris l’arithmétique aux petits enfants rien qu’avec de tels exemples. Aussi l’estime dont jouissait le cadi Zutapapa était-elle générale et la justifiait-il, d’ailleurs, par une droiture dans les procédés dont ce récit n’est qu’une preuve nouvelle. Quand le jeune Mohamet-Soulafé-Sélim, un des plus opulents marchands de dattes de la localité, vint en effet lui demander la main de sa fille Fatma, le bon cadi Zutapapa ne tenta pas de lui faire prendre l’objet, chat en poche, comme il serait malséant de dire en pareil cas. Loin de là, il lui fit mesurer d’un coup d’œil rapide l’imprudence qu’il allait commettre :

— Mohamet-Soulafé-Sélim, lui dit-il, ton père était homme de bien, quoique marchand de dattes comme toi. Ma fille est belle, mais tu seras cocu.

— Qu’en savez-vous ? lui répondit Sélim.

— Tout ce que peut savoir un bon père du tempérament de son enfant bien-aimée. Je ne voudrait pas t’humilier, mon garçon, mais tu