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Le Conte de l’Archer.

— Et pourquoi donc, s’il vous plaît ?

— Parce qu’il y est prisonnier de Charles le Téméraire.

Le tanneur fit un terrible soubresaut. Par bonheur pour elle, Isabeau ne le pouvait voir, car elle eût eu peur de sa face rouge où ses petits yeux démesurément écarquillés s’ouvraient comme deux fêlures menaçant de craqueler autour d’elles le crâne tout entier.

— Misérable imposteur ! fit-il en éclatant. Veux-tu que je te pulvérise pour propager de pareils bruits dans les terres de ton roi !

— J’ai dit la vérité, dit le mendiant en se levant de table et en se mettant en état de défense, le repas ayant rendu quelque force et quelque souplesse à ses membres si fort malmenés dans les batailles.

— Je te dis que tu mens ! hurla Guillaume. Et c’est pour entendre de ta bouche de pareilles balivernes, mécréant, que je t’ai donné le meilleur vin de ma cave et le meilleur plat de mon souper !

— De la meilleure volonté du monde, je ne peux vous les rendre, ricana cyniquement le soldat éclopé. D’ailleurs, si vous doutez de ma parole, vous n’avez qu’à lire la lettre de frère Étienne.