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Page:Silvestre - Le Conte de l’Archer, 1883.djvu/187

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Le Conte de l’Archer.

à Tristan, votre fils, et à moi. Car nous devons, tous les deux, à la miséricorde divine d’être encore de ce monde et même sains et saufs de tout inconvénient. Je signale le fait, parce que nous en avons connu plus d’un qui, glorieusement parti sur son cheval de bataille, couvert d’une armure impénétrable et sa lance au poing, est actuellement endormi sous le linceul flottant des hautes herbes, ou rampe, les jambes rompues, demandant misérablement du pain sur la poussière des grandes routes, pareil aux bêtes que le passant a éclopées du bout de son cruel bâton. Ainsi, Dieu merci, ne sommes ni l’un ni l’autre. Tristan, devenu plus fort, est bon compagnon, ne manquant d’aucun membre au monde, et, pour ce qui est de moi, j’ai gardé bel appétit, ce qui est le point essentiel, et je bois dru, surtout quand le vin est bon.

— Le pauvre homme ! ne put s’empêcher de murmurer dame Mathurine, en levant les yeux au ciel.

— Le diable vous emporte ! riposta le tanneur. On dirait que la bedaine de ce frocard est le plus précieux de tous les biens. Qu’il me parle donc un peu de mon roi et de mon fils, non pas de ce qu’il engloutit aux antres toujours ouverts de son