Page:Sima qian chavannes memoires historiques v2.djvu/140

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

l’antiquité, le territoire des cinq empereurs était un carré de mille li de côté ; en dehors de ce territoire se trouvaient les domaines des seigneurs et les domaines des barbares ; les seigneurs tantôt venaient rendre hommage et tantôt s’en dispensaient ; le Fils du Ciel était incapable de leur imposer une règle. Maintenant Votre Majesté[1] a levé les soldats de la justice[2] ; elle a puni de mort les oppresseurs et les brigands[3] ; elle a pacifié l’empire ; l’intérieur des mers a été organisé en commanderies et en préfectures ; les lois et les ordonnances émanent d’un seul chef ; depuis la haute antiquité jusqu’à nos jours, il n’y a jamais rien eu de tel ; c’est un résultat auquel n’ont point atteint les cinq empereurs. Vos sujets ont attentivement délibéré avec les lettrés au vaste savoir et ont dit : — Autrefois il y eut le Souverain céleste, le Souverain terrestre et le Souverain majestueux[4] ; le Souverain majestueux fut le plus élevé. Vos

  1. Ts’ai Yong explique d’une manière intéressante comment l’expression [ab] a pris le sens de : Votre Majesté. [a] désigne l’escalier par lequel on montait à la salle (du trône) ; les ministres intimes du Fils du Ciel se tenaient aux côtés de cet escalier afin de prévenir tout événement imprévu ; on les appelait « ceux qui sont au bas de l’escalier » [abd] ; les sujets qui voulaient parler au Fils du Ciel n’osaient pas l’apostropher directement ; c’est pourquoi ils s’adressaient à ceux qui étaient au bas de l’escalier ; mais ce n’était là qu’une fiction ; chacun savait que le discours commençant pas les mots [ab] était destiné au Fils du Ciel ; aussi cette expression ne tarda-t-elle pas à désigner le souverain lui-même.
  2. L’expression « les soldats de la justice », a souvent été employée dans la suite par ceux qui en Chine prétendirent que la cause seule de l’équité armait leur bras.
  3. Cf. Che king (Siao ya, livre V, ode 10, strophe 4 ; Legge, Chinese Classics, vol. IV, p. 358).
  4. Ce passage est très remarquable, car il prouve que, dès l’époque de Ts’in Che-hoang-ti on connaissait la théorie des trois souverains antérieurs aux cinq empereurs (cf. tome I, note 00.164. ). Cependant, tandis que les trois souverains, tels qu’on les énumère plus tard, sont le souverain céleste, le souverain terrestre et le souverain humain, nous trouvons ici le souverain majestueux substitué au souverain humain. — D’après Se-ma Tcheng, le souverain majestueux devrait être placé avant les trois souverains céleste, terrestre et humain ; en effet, un identifie le souverain majestueux ou T’ai-hoang avec Fou-hi ; or, dans la série Fou-hi, Chen-mong, Hoang-ti, — Fou-hi est placé avant et non après le souverain terrestre (Hoang-ti). Se-ma Tcheng semble identifier le T’ai-hoang avec le T’ai-ti dont il est parlé à deux reprises dans le traité sur les sacrifices fong et chan (cf. ma première traduction de ce traité, pp. 64 et 74). — Les efforts des critiques chinois pour accommoder ce passage de Se-ma Ts’ien avec la théorie ultérieure des trois puissances, le Ciel, la Terre et l’Homme symbolisés par trois souverains, sont évidemment sans valeur puisqu’il ne s’agit pas ici d’une tradition qui ait un fond historique réel ; nous nous bornons donc à signaler cette apparition de la légende des trois souverains sous sa première forme.