Page:Sima qian chavannes memoires historiques v2.djvu/334

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d’entre eux ; il dit alors à ses cavaliers :

— Que ferez-vous ?

Tous se prosternèrent et lui répondirent :

— Nous ferons ce que dira Votre Majesté.

Alors le roi Hiang voulut traverser, à l’est, le fleuve Ou[1] ; le chef du ting[2] du fleuve Ou rangea son bateau le long du bord et l’attendit ; il dit au roi Hiang :

— Quoique le pays à l’est du Kiang soit petit, c’est une contrée qui a mille li de côté et qui compte plusieurs centaines de mille hommes ; il est suffisant, lui aussi, pour qu’on y soit roi. Je désire que Votre Majesté passe l’eau en toute hâte. Votre sujet est le seul maintenant à posséder un bateau ; quand l’armée de Han arrivera, elle n’aura aucun moyen de passer.

Le roi Hiang répondit en riant :

— Le Ciel veut ma perte ; à quoi bon passer l’eau ? D’ailleurs, c’est avec huit mille jeunes hommes du pays à l’est du Kiang que j’ai traversé le Kiang et que j’ai été dans l’ouest ; maintenant je reviens sans un seul d’entre eux. Quand bien même les pères et les frères aînés à l’est du Kiang auraient pitié de moi et me nommeraient roi, de quel visage les regarderais-je ? quand bien même ils ne me diraient rien, comment mon cœur ne serait-il pas pénétré de honte ?

Il dit encore au chef du ting : — Je sais que vous êtes un homme de cœur ; je monte ce cheval depuis cinq ans ; il n’a pas le rival qui l’égale ; il a parcouru mille li en un jour ; je n’ai pas le courage de le tuer ; je vous en fais présent.

Il ordonna donc à ses cavaliers de descendre tous

  1. Le Ou kiang était un petit embranchement de la rivière Hoai, à peu de distance au nord de la préfecture secondaire de Ho, province de Ngan-hoei.
  2. Cf. Appendice 1, § 4, ad fin.