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L’ÉCRIN DISPARU

X

L’OCCASION.


C’est à la fin de mai ; la journée a été superbe et un beau soleil couchant verse l’or de ses reflets sur les crêtes du Mont-Royal embellies des splendeurs du crépuscule.

Dans la salle à manger, si propre et si claire, Lucie Giraldi, a disposé les couverts pour le repas du soir. En attendant l’arrivée de son papa, Madeleine, la tête dans les mains étudie son catéchisme, tandis que Gaston, accoudé à la fenêtre, repasse en chantonnant la fable « La Cigale et la Fourmi ». Quant à Jean, le Benjamin de la famille en raison de son âge et de sa petite tête rose et blonde, perché en haut de sa grande chaise, une cuillère à la main, un couteau de l’autre, il bat le rappel sur la table, s’interrompant parfois, avec le rire frais et si tendre des tout petits.

Et de voir ainsi sa famille joyeuse, le père dès son arrivée, sourit les traits détendus. Ces trois enfants si aimables, leur mère jeune encore, sur le front de qui reposait la sérénité de ceux qui croient, c’était tout son bonheur ; cela seul comptait pour lui, Se dévouer dans l’intérêt des siens, accroître ses revenus pour rendre sa famille heureuse, tel était le terme ultime de ses combinaisons et de ses labeurs.

À force d’épargnes et de travaux supplémentaires, il était parvenu, en dépit de ses modestes appointements, à se procurer une résidence fort convenable dans le quartier aristocratique d’Outremont ; mais la dépense du loyer absorbait le plus clair de ses économies ; cependant, restait à mettre le mobilier en harmonie avec le local. Selon l’occurrence ou les revenus, tantôt une armoire à glace tantôt une bergère, un dressoir ou un guéridon, venaient accroître le confort du « Home familial ». Habile à profiter des occasions favorables fournies par des enchères publiques, Giraldi pouvait se féliciter d’un certain nombre de transactions réellement avantageuses.

Il avait commencé, ainsi qu’il convenait, par meubler la chambre de Lucie, sa chère et douce compagne. Puis, pour son usage personnel, il y avait longtemps qu’il souhaitait une table-bureau, où il pourrait facilement, le soir à la veillée, faire des travaux supplémentaires de dessin pour le compte d’un ingénieur du voisinage.