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L’ÉCRIN DISPARU

PAR
J. F. SIMON

PREMIÈRE PARTIE

I

AU LAC NOMININGUE.


La mi-juillet est déjà passée et la superbe Villa des Cèdres demeure encore silencieuse, dans l’attente de ses hôtes coutumiers. Sise à l’extrémité d’une charmante presqu’île, dont l’éperon s’avance dans les flots bleus du lac Nominingue, la riche résidence jouit d’un horizon grandiose. La vaste nappe liquide, avec sa ceinture de collines boisées, dont les sommets indécis s’estompent dans l’azur d’un ciel éthéré, délecte les yeux, en élevant l’âme.

Au loin, de-ci, de-là, des terrains dévastés par les feux de forêts, dressent leurs troncs calcinés et nus sur des crépuscules aux reflets cuivreux. Dans les jeunes coupes, la vie renaît de toutes parts. La gélinotte à fraise et la grive des bois ont abrité leur couvée parmi les taillis ; le mélilot odorant mêle ses senteurs à celles de l’ambrosie, tandis que la stellaire voisinant avec la léontice, pique le gazon de blancheurs étoilées.

Distante d’un mille environ du petit village de Bellerive, jadis terminus de la voie ferrée des Laurentides, la Villa des Cèdres, toute blanche avec son toit rouge et ses contrevents verts, à la Jean-Jacques Rousseau, apparaît au touriste connaisseur, comme l’oasis du calme et de la paix, le séjour enchanté de la poésie agreste. Ses spacieuses vérandas, toutes garnies de vigne grimpante, font au rez-de-chaussée comme à l’étage, le tour de la gracieuse habitation et mettent en saillie, les vitres claires des fenêtres, ornées de rideaux à fines dentelles.

Cependant, la grande barrière à claire-voie, qui donne accès à la cour d’honneur, est entr’ouverte. Dans les allées latérales, des caisses éparses sont pleines de bégonias et de géraniums en fleurs. Penché sur une corbeille de rhododendrons, le vieux jardinier, coiffé d’un large panama, achève de piquer des boutures, qu’il arrose ensuite avec un soin méticuleux.