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L’ÉCRIN DISPARU

qu’Hippolyte venait enfin de découvrir, dans une charmante résidence de la ville d’Outremont, un jeune séminariste en congé, converse avec sa pieuse mère.

Assis devant la fenêtre ouverte, les yeux reposant sur le site pittoresque qui s’étage sur les pentes du Mont-Royal, la mère et le fils, tels Monique et Augustin aux rivages d’Ostie, s’entretiennent des intérêts moraux d’âmes bien chères.

— Continue à bien prier pour ton père, mon cher Gaston. Crois-moi, ce n’est pas la fortune qui fait le bonheur. Quand tu étais enfant, et que vivant à la gêne nous habitions une rue étroite au centre du vieux Montréal, ton père n’avait qu’un mot à la bouche : L’argent.

Aujourd’hui que la réputation et la fortune sont arrivées, il lui manque encore quelque chose pour être heureux.

— Oui, Maman, je devine votre pensée. Ce qui manque à Papa, ne s’achète pas au poids de l’or. Combien j’ai hâte de pouvoir monter à l’autel et de payer à Dieu ce don précieux par l’offrande de son divin Fils.

Il allait continuer, lorsque la grande pendule de bronze sonna sept heures et demie ; tirant alors sa montre, le jeune abbé s’étonna :

— Déjà l’heure du retour ?… comme le temps passe vite dans la compagnie de sa bonne mère !… Puis l’ayant embrassé en lui réitérant ses pieuses intentions, celle-ci ajouta : « Au revoir, mon enfant, que le bon Dieu te bénisse et nous protège. »

Un instant après, le timbre de la porte retentit d’un son vigoureux et prolongé. C’était Hippolyte qui rentrait. En quittant l’Hôtel Windsor, hâtivement, il s’était dirigé vers le Bureau de monsieur Giraldi. Il sentait en lui gronder comme une tempête… Ah ! ce nom de Giraldi, qui, il y a quelques heures à peine, lui inspirait une sorte de vénération, comme il le hait, maintenant qu’il sait tout.

Oui, c’est aux dépens d’un malheureux jeune homme, c’est sur les ruines de son bonheur et de sa réputation qu’il a échafaudé sa propre fortune, assis sa vaste renommée.

Il n’a pas hésité, tout en sachant qu’il existait par le monde, un enfant innocent, couvert d’un injuste opprobre. Et cette somme acquise illégalement, a été le premier échelon de ses richesses, quelque chose comme l’étrier de la gloire du parvenu !

Mais comment n’y a-t-il pas songé plus tôt !… N’aurait-il pas dû s’en douter vraiment ! Ne savait-il pas que ce simple employé n’avait rien, il y a neuf ans, et que pour construire ses premiers appareils, faire des essais, il lui avait fallu de l’argent ?