Le plus ou le moins de fortune, une position plus ou moins élevée, plus ou moins influente dans le monde, ce n’est pas en cela que gît notre distinction, notre grandeur originelle ; ce n’est pas à des supériorités aussi matérielles, aussi inconstantes, aussi fragiles et aussi périssables que Dieu a pu associer son image qu’il déclare positivement avoir placée dans l’homme. Or, c’est cette image qui commande le respect. Là où le Créateur l’a mise, sont entrées à sa suite la sainteté et l’inviolabilité. Que pourrait donc faire la possession des richesses et celle d’avantages physiques, moraux ou intellectuels même très marqués ? Rendraient-elles l’image de Dieu moins sacrée chez celui qui les aurait en quantités et en qualités moindres ? Que l’on accorde plus d’attention au savant qu’à l’ignorant, l’homme opulent qu’au déshérité de la fortune, soit. La science a bien droit à quelques égards en plus, et la fortune, par l’influence dont elle dispose, ne mérite nullement d’être mise au ban de l’estime publique. Le Judaïsme, cette religion éminemment sociable et qui met tous ses efforts à unir ensemble l’idée et la vie, se fût bien gardée de proscrire ce qui, en réalité, existe dans l’organisation des sociétés. Ce n’est pas lui qui aurait jamais dit en généralisant d’une façon magistrale : « qu’il » est plus aisé qu’un chameau passe par le trou d’une aiguille, qu’il ne l’est qu’un riche entre dans le royaume des cieux[1]. » Il n’a point de ces dédains sublimes plus théoriques que pratiques. La doctrine juive déclare digne d’estime tout ce qu’il a plu, tout ce qu’il plaira à Dieu de laisser surgir dans le monde ; et comme le pâtre s’y trouve à côté du philosophe, comme le pauvre y coudoie le riche, comme les sceptiques et les incrédules
- ↑ Voir Marc, ch. X, v. 25 ; Luc, ch. XVIII, v. 2 ; Math., ch, XIX. Comparez Coran, ch. VII, v. 38. Au moins Mahomet, en se servant de cette comparaison devenue fameuse, ne l’applique, comme déjà faisait le Talmud, qu’aux seuls impies et incrédules.