Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/251

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rendue mère après tant d’années d’anxieuse attente, elle se transportait en esprit à l’époque où, par une manifestation de cette même puissance, le Seigneur remplirait une autre attente, celle de la résurrection. En bénissant Dieu d’avoir accédé à son vœu, elle songeait déjà aux actions de grâce qui s’échapperaient de toutes les poitrines quand, au jour du jugement dernier, se réveilleront les trépassés ayant cette fois au cœur un amour inaltérable pour le Dieu qui a également rempli le désir avec lequel ils s’étaient endormis de renaître tôt ou tard à la vie. Il fallut donc que ce désir fût bien généralement répandu chez les compatriotes et contemporains d’Annah, pour que la vertueuse épouse en eût ainsi associé le futur accomplissement à sa joie présente ! Et de fait, lorsqu’on voit, deux siècles et demi plus tard, le prophète Joël donner sa fameuse description du jugement dernier et menacer tous les peuples ennemis d’être un jour rassemblés dans la vallée de Josaphat pour y être punis des sentiments haineux qu’ils nourrissaient contre Israël, peut-on douter que ce dernier n’ait été de tout temps profondément pénétré de la croyance à la résurrection[1] ?

Deux siècles et demi ! Que de dogmes, dira-t-on, peuvent se fonder, se créer, que d’idées religieuses s’emprunter et puis se nationaliser dans un espace de deux cent cinquante ans ! Sans doute, mais durant ce long intervalle même, y eut-il une seule époque qui aurait pu favoriser la création, l’emprunt ou l’acceptation d’un nouveau dogme importé du dehors ? On ne naissait pas alors ou on fréquentait peu les pays habités par les peuples de la haute Asie qui devinrent les sectateurs de Zoroastre, et d’où on prétend que la croyance à la résurrection est originaire. De l’époque du grand-prêtre Élie et de

  1. Joël, chap. IV.