froide, perdant ainsi des deux côtés cette vigueur naturelle qu’elles possédaient lorsqu’elles se trouvaient dans une atmosphère tempérée. Toute chose a son climat, à l’influence duquel on ne l’arrache jamais impunément. Or, dans le Judaïsme, nous venons de voir deux grandes facultés présider également à l’éclosion de l’amour de Dieu : la raison et le sentiment. Quand la raison perçoit Dieu au-delà des lois éternelles et des vérités nécessaires, le cœur se prend d’amour pour lui. Toutefois, en s’attachant alors à Dieu, le sentiment ne le fait que dans la mesure même de la raison, nous voulons dire qu’il ne s’imagine pas pouvoir posséder Dieu, autrement que comme l’esprit le perçoit. La limite où s’arrête l’esprit est celle également où s’arrête le sentiment. L’identification avec Dieu, c’est devant quoi ils s’arrêtent tous deux d’un commun accord. « Tu sauras aujourd’hui, et tu ramèneras dans ton cœur que l’Éternel est le Dieu en haut dans le ciel, en bas sur la terre, et qu’il n’y en a point d’autres[1]. » Il est le Dieu, voilà tout. Mais quant à pouvoir connaître ce qu’il est, et quant à pouvoir s’identifier avec lui par l’amour, c’est là une prétention dont il faut prudemment et éternellement se garder, pour couper court à toute espèce de mysticisme. Partout, au contraire, où le sentiment voudra aller plus loin que la raison, on peut être sûr qu’il y a tendance au mysticisme. Car il ne faut pas oublier que, par lui-même, le sentiment n’est rien, et qu’il ne peut jamais s’exercer sans l’aide de la raison. C’est la raison qui choisit pour le sentiment l’objet de son amour ; c’est elle qui toujours le lui présente ; il le tient de sa main, et cela est tellement vrai, que si la raison s’obscurcit, le cœur n’aime plus rien. Que devient l’attachement dans la folie ? Demeure-t-il encore de
- ↑ Deut., chap. IV, v. 39.