Page:Simon Levy - Moïse, Jésus et Mahomet, Maisonneuve, 1887.djvu/289

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déjà enseignée. Mais quand Fénelon l’eût revêtue de sa grave autorité, elle commençait à devenir sérieusement inquiétante, et, si l’on n’avait pas réagi contre elle, elle aurait inévitablement engendré une plaie sociale. Quel frein, en effet, apporterez-vous au dérèglement des mœurs une fois que vous aurez innocenté toutes espèces de tentations, pourvu qu’elles aient eu lieu au moment où l’âme est comme embrasée de l’amour de Dieu ? Et c’est ce que Fénelon enseignait catégoriquement dans une de ses maximes des saints. Ce n’était certes pas de trop de la condamnation prononcée par la cour romaine contre la théorie de l’archevêque de Cambrai, ni même du poids jeté dans la balance par Louis XIV, à la suite de l’arrestation de Mme Guyon, pour étouffer une aussi déplorable erreur.

Quant à nous, voici ce que nous déduisons de ces deux épreuves par lesquelles a passé le Christianisme : c’est qu’une religion qui peut donner lieu à l’énonciation de semblables maximes de la part d’un de ses docteurs les plus éclairés, doit contenir en germe un vice d’appréciation du véritable caractère de l’amour de Dieu. Est-ce que jamais, dans le Judaïsme, on en est venu à des opinions aussi erronées ? Les Kabbalistes mêmes ne sont jamais arrivés à des conséquences de ce genre, malgré leurs sympathies pour la théorie de l’émanation qui y amène cependant naturellement. Toute idée panthéistique est une idée de mysticisme, et si les Kabbalistes qui, pour la plupart, étaient panthéistes, n’ont pas prêché pourtant l’amour mystique ou l’extase, c’est qu’ils tenaient à rester juifs en pratique : contradiction qui ne grandit pas ces philosophes, mais est, pour le Judaïsme, un sérieux témoignage de sa saine appréciation de l’amour de Dieu.

Au surplus, qu’est-il besoin de tant argumenter pour prouver que la doctrine chrétienne est ici restée au-dessous de la pure