Page:Simone Weil - Note sur la suppression générale des partis politiques, 1950.djvu/18

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les publications auxquelles il est déshonorant de collaborer.

Toutes les fois qu’un milieu tenterait de se cristalliser en donnant un caractère défini à la qualité de membre, il y aurait répression pénale quand le fait serait établi.

Bien entendu il y aurait des partis clandestins. Mais leurs membres auraient mauvaise conscience. Ils ne pourraient plus faire profession publique de servilité d’esprit. Ils ne pourraient faire aucune propagande au nom du parti. Le parti ne pourrait plus les tenir dans un réseau sans issue d’intérêts, de sentiments et d’obligations.

Toutes les fois qu’une loi est impartiale, équitable, et fondée sur une vue du bien public facilement assimilable pour le peuple, elle affaiblit tout ce qu’elle interdit. Elle l’affaiblit du fait seul qu’elle existe, et indépendamment des mesures répressives qui cherchent à en assurer l’application.

Cette majesté intrinsèque de la loi est un facteur de la vie publique qui est oublié depuis longtemps et dont il faut faire usage.

Il semble n’y avoir dans l’existence de partis clandestins aucun inconvénient qui ne se retrouve à un degré bien plus élevé du fait des partis légaux.

D’une manière générale, un examen attentif ne semble laisser voir à aucun égard aucun inconvénient d’aucune espèce attaché à la suppression des partis.

Par un singulier paradoxe les mesures de ce genre, qui sont sans inconvénients, sont en fait celles qui ont le moins de chances d’être décidées. On se dit : si c’était si simple, pourquoi est-ce que cela n’aurait pas été fait depuis longtemps ?

Pourtant, généralement, les grandes choses sont faciles et simples.

Celle-ci étendrait sa vertu d’assainissement bien au delà des affaires publiques. Car l’esprit de parti en était arrivé à tout contaminer.

Les institutions qui déterminent le jeu de la vie publique influencent toujours dans un pays la totalité de la pensée, à cause du prestige du pouvoir.

On en est arrivé à ne presque plus penser, dans aucun domaine, qu’en prenant position « pour » ou « contre » une opinion. Ensuite on cherche des arguments, selon le cas, soit