Page:Sincère - Le Sorcier de Septêmes (paru dans Le Roman, journal des feuilletons Marseillais), 1873.djvu/42

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bien, puisque mon mari est assez fou pour avoir de pareilles fantaisies.

— Eh bien ! c’est réglé. Je vais faire venir le diable derrière le lit que voilà, je vais lui faire devant vous traverser toute la chambre et le faire disparaître par la porte que voici, — dit Marcel en montrant celle qui se trouvait en face de lui. — Madame Catherine et toi, Andronic, faites-moi le plaisir d’ouvrir toutes les issues du côté de la place de peur que le diable ne les incendie en y touchant.

Andronic et Catherine s’empressèrent d’obéir. Marcel aussitôt se campa devant le lit, proféra comme précédemment certaines paroles inintelligibles, fit divers signes et dit ensuite de manière à être entendu de tout le monde :

— Sire Satan, tu viens d’ouïr ce que notre hôte réclame encore de ta complaisance. Tu vas prendre la taille, le visage, le costume et toutes les allures du barbier de ce bourg. Puis, sortant par la ruelle de ce lit, tu traverseras cette chambre dans toute son étendue et tu t’en iras enfin par cette ouverture.

Et maintenant, Lucifer, obéis. Andronic, allume le punch que tu viens de préparer et éteins les lumières. Attention, Monsieur Ambroise, attention !… Le rideau remue… voilà, voilà le diable !

À ce mot, en effet, on vit très distinctement, à la lueur bleuâtre du punch, une sorte de spectre, ayant toutes les apparences du barbier de Septèmes, sortir de derrière les rideaux, parcourir la pièce sans précipitation et disparaître ensuite par la porte de la salle.

Si la vue du repas fourni par le diable avait produit une vive émotion sur Ambroise, qu’on juge de celle qu’il éprouva à l’aspect du diable lui-même. À cette apparition il demeura tout interdit, et les autres spectateurs de la scène n’en parurent pas moins impressionnés. Soit frayeur réelle, soit pour toute autre raison, Andronic avait cessé de plaisanter et de sourire ; Catherine était pâle et paraissait écouter avec le plus grand intérêt le léger bruit que faisaient les pas du fantôme sur les dalles de la salle voisine.