Page:Sincère - Le Sorcier de Septêmes (paru dans Le Roman, journal des feuilletons Marseillais), 1873.djvu/33

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salle d’auberge, et à sa gauche, Marcel, qui avait ainsi le lit à une dizaine de pieds derrière lui.

Inutile de dire que cette pièce était d’une étendue qu’on trouverait très grande de notre temps. On sait, en effet, que nos pères n’avaient pas l’habitude de se priver d’air et de jour sous prétexte de ménager l’espace. Et comme telle n’était éclairée que par les deux chandelles posées sur la table, il en résultait que les angles restaient plongés dans une demi obscurité et formaient une sorte de pénombre, qui ajoutait je ne sais quoi de fantastique à l’effet général de l’ensemble.

Ces détails précisés, revenons à notre récit.

Aussitôt ses dernières paroles prononcées, Marcel se leva donc lentement de sa place, se tourna successivement vers les quatre faces de la chambre, fit certains signes cabalistiques, marmotta quelques phrases qui ne paraissaient appartenir à aucune langue humaine, et puis il prononça d’une voix claire et sonore :

— Ô Satan, mon patron, toi devant qui tout tremble, toi qui fais frémir la terre et règnes en despote sur les enfers, écoute mes invocations, obéis à ma voix, exécute mes ordres.

Tu vois les personnes ici présentes, tu connais leurs goûts ; eh bien ! il faut qu’instantanément tu leur envoies un souper composé et apprêté de façon à ce que chacun de nous y trouve de quoi se satisfaire.

Nous nous en rapportons à toi pour le choix ; mais, n’oublie pas que pour tous tu dois demeurer invisible. Ton aspect pourrait occasionner quelque émoi auprès de mes hôtes, et, pour ton honneur et pour le mien, je tiens à ce qu’ils soient forcés de reconnaître que tout démon qu’il est, Satan est un bon diable.

Et, maintenant que tu m’as entendu, mets-toi à l’œuvre tout de suite. Je ne te donne plus que trente secondes pour tout exécuter.