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jouissance nationale. Ses nouveaux disciples, en Angleterre, se sont bien davantage jetés dans des abstractions qui nous font absolument perdre de vue l’homme auquel appartient la richesse et qui doit en jouir. La science entre leurs mains est tellement spéculative, qu’elle semble se détacher de toute pratique. On croirait d’abord qu’en dégageant la théorie de toutes les circonstances accessoires, on doit la rendre plus claire et plus facile à saisir : le contraire est arrivé ; les nouveaux économistes anglais sont fort obscurs, et ne peuvent être compris qu’avec beaucoup de fatigue, parce que notre esprit répugne à admettre les abstractions qu’ils nous demandent ; mais cette répugnance même est un avertissement que nous nous éloignons de la vérité, lorsque, dans les sciences morales, où tout se lie, nous nous efforçons d’isoler un principe et de ne voir que lui.

L’ouvrage ingénieux de M. D. Ricardo, qui parut en 1817, et qui fut bientôt traduit en français et enrichi, par M. Say, de notes où brille une critique lumineuse, nous semble un exemple remarquable de cette direction nouvelle suivie par les économistes en Angleterre. Ces Principes de l’Économie politique et de l’Impôt ont produit un effet prodigieux parmi les anglais. Un journal, dont l’autorité est imposante dans la science[1], les annonce comme ayant fait faire à l’économie politique le plus grand pas qu’elle ait fait depuis Adam Smith ; cependant nous sentons tellement que nous marchons sur un autre terrain, qu’à peine aurions-nous eu occasion de citer cet ouvrage, ou pour nous ap-

  1. Edimburgh Revoew, n°59, June 1818.