Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/182

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

disposition de l’ouvrier, s’y trouve supérieur, dans une proportion encore bien plus grande.

Mais, quoique l’Amérique septentrionale ne soit pas encore aussi riche que l’Angleterre, elle est beaucoup plus florissante et elle marche avec une bien plus grande rapidité vers l’acquisition de nouvelles richesses. La marque la plus décisive de la prospérité d’un pays est l’augmentation du nombre de ses habitants[1]. On suppose que dans la Grande-Bretagne et la plupart des autres pays de l’Europe, ce nombre ne double guère en moins de cinq cents ans[2]. Dans les colonies anglaises de l’Amérique septentrionale, on a trouvé qu’il doublait en vingt ou vingt-cinq ans ; et cet accroissement de population est bien moins dû à l’immigration continuelle de nouveaux habitants, qu’à la multiplication rapide de l’espèce. On dit que ceux qui parviennent à un âge avancé y comptent fréquemment de cinquante à cent, et quelquefois plus, de leurs propres descendants. Le travail y est si bien récompensé, qu’une nombreuse famille d’enfants, au lieu d’être une charge, est une source d’opulence et de prospérité pour les parents. On compte que le travail de chaque enfant, avant qu’il puisse quitter leur maison, leur rapporte par an 100 livres de bénéfice net. Une jeune veuve, avec quatre ou cinq enfants, qui aurait tant de peine à trouver un second mari dans les classes moyennes ou inférieures du peuple en Europe, est là le plus souvent un parti recherché comme une espèce de fortune. La valeur des enfants est le plus grand de tous les encouragements au mariage. Il ne faut donc pas s’étonner de ce qu’on se marie en général fort jeune dans l’Amérique septentrionale. Malgré le grand accroissement de population qui résulte de tant de mariages entre de très-jeunes gens, on s’y plaint néanmoins continuellement de l’insuffisance des bras. Il paraît que, dans ce pays, la demande des travailleurs et les fonds destinés à les entretenir croissent encore trop vite pour qu’on trouve autant de monde qu’on voudrait en employer.

Quand même la richesse d’un pays serait très-grande, cependant, s’il a été longtemps dans un état stationnaire, il ne faut pas s’attendre à y trouver les salaires bien élevés. Les revenus et les capitaux de ses habitants, qui sont les fonds destinés au payement des salaires, peuvent

  1. Et l’Irlande !
  2. Depuis la publication de la Richesse des nations en 1776, le mouvement de la population s’est accru dans une grande proportion. Mac Culloch.