Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/232

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cette seule considération il paraît résulter assez clairement que la balance ordinaire des profits et des pertes n’est pas plus avantageuse dans ce genre d’affaires que dans tout autre genre de commerce, où tant de gens font leur fortune. Et encore, toute modérée qu’est la prime d’assurance, beaucoup de gens font si peu de compte du risque, qu’ils ne se soucient pas de la payer. À prendre tout le royaume en masse, il y a dix-neuf maisons sur vingt, ou peut-être même quatre-vingt-dix-neuf sur cent, qui ne sont pas assurées contre les incendies[1]. Les risques de mer sont plus alarmants pour la plupart des intéressés, aussi la proportion des vaisseaux assurés à ceux qui ne le sont pas est-elle beaucoup plus forte. Il en est cependant un grand nombre, dans tous les temps et même en temps de guerre, qui font voile sans être assurés ; et quelquefois cela peut se faire sans imprudence. Quand une grande compagnie ou même un gros négociant a vingt ou trente vaisseaux en mer, ils s’assurent pour ainsi dire l’un l’autre. Il se peut que la prime épargnée sur tous fasse compensation avec les pertes qu’il est probable de rencontrer d’après le cours ordinaire des chances diverses. Toutefois, dans la plupart des cas, c’est moins par suite d’un calcul aussi approfondi que l’on néglige d’assurer les vaisseaux, que par l’effet de cette insouciance et de cette présomption qui portent à mépriser le danger, comme pour l’assurance des maisons.

L’âge où les jeunes gens font le choix d’un état est, de toutes les époques de la vie, celle où ce mépris du danger et cette confiance présomptueuse qui se flatte toujours de réussir agissent le plus puissamment. C’est là qu’on peut observer combien peu la crainte d’un événement malheureux est capable de balancer l’espoir d’un bon succès. Si l’empressement avec lequel on embrasse les professions libérales en est une preuve, cette preuve est encore bien plus sensible dans l’ardeur que mettent les gens du peuple à s’enrôler comme soldats ou comme matelots.

On voit tout d’un coup l’étendue des risques que court un soldat. Cependant, sans réfléchir au danger, les jeunes volontaires ne sont jamais si empressés de s’enrôler qu’au commencement d’une guerre ; et quoiqu’il n’y ait pour eux presque aucune chance d’avancement,

  1. La proportion des maisons assurées au nombre total est aujourd’hui infiniment plus grande qu’à l’époque de la publication de la Richesse des nations.