Page:Smith - Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Blanqui, 1843, I.djvu/240

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se passera un temps considérable avant qu’il puisse risquer de les remettre au niveau commun. Les manufactures dont le débit est entièrement fondé sur la mode et la fantaisie changent continuellement, et elles ne durent presque jamais assez longtemps pour qu’on puisse les regarder comme d’anciens établissements. Au contraire, celles dont le débit tient principalement à la nécessité ou à l’utilité sont moins sujettes au changement, et peuvent conserver, pendant des siècles entiers de suite, la même forme et le même genre de fabrication. Les salaires doivent donc naturellement être plus forts, dans les manufactures de la première espèce, que dans celles de la dernière. Birmingham produit principalement des ouvrages de la première sorte ; Sheffield, des ouvrages de la seconde ; et l’on dit que les salaires du travail dans chacune de ces places sont conformes à cette différence dans la nature de leurs produits.

Tout établissement nouveau en manufacture, toute branche nouvelle de commerce, toute pratique nouvelle en agriculture, est toujours une spéculation dont l’entrepreneur se promet des profits extraordinaires. Ces profits sont quelquefois très-forts ; plus souvent peut-être, c’est tout le contraire qui arrive ; mais, en général, ils ne sont pas en proportion régulière avec ceux que donnent dans le voisinage les anciennes industries. Si le projet réussit, les profits sont ordinairement très-élevés d’abord. Quand ce genre de trafic ou d’opération vient à être tout à fait établi et bien connu, la concurrence réduit les profits au niveau de ceux des autres emplois.

Secondement, cette égalité dans la somme totale des avantages et désavantages des divers emplois du travail et des capitaux ne peut avoir lieu que dans les emplois qui sont dans leur état ordinaire, ou dans ce qu’on peut appeler leur état naturel.

Dans presque chaque espèce différente de travail, la demande est tantôt plus grande, tantôt moindre que de coutume. Dans le premier cas, les avantages de ce genre d’emploi montent au-dessus du niveau commun ; dans l’autre, ils descendent au-dessous. La demande de travail champêtre est plus forte dans le temps des foins et de la moisson que pendant le reste de l’année, et les salaires haussent avec ce surcroît de demande[1]. En temps de guerre, lorsque quarante ou cinquante mate-

  1. C’est ce qui fait que dans les pays où les habitants des campagnes ne sont que journaliers, comme en Angleterre, la population agricole est réduite à l’état de misère. Elle n’est pas sûre d’être occupée toute l’année, et les salaires de son travail, suffisant à l’entretenir quand on a besoin d’elle comme à l’époque de la fenaison et de la moisson, tombent au-dessous des besoins les plus grossiers à d’autres époques. A. B.